Contamination des boîtes de thon au mercure : quelles sont les réglementations en vigueur ?

Source: Public Senat

Ce lundi, l’ONG Bloom a publié un rapport dans lequel elle révèle que sur 148 boîtes de thon testées, 100% d’entre elles sont contaminées au mercure. L’association dénonce également « des simulacres de normes sanitaires ». Mais quelles sont les règles dans ce domaine ?

Les boîtes de thon en conserve sont-elles contaminées par du mercure ? C’est ce qu’établit l’ONG Bloom dans un rapport publié aujourd’hui. L’association a contrôlé 148 boîtes de thon commercialisées en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Italie et en France. Résultat du test : 100 % d’entre elles se sont révélées être contaminées au mercure. Plus précisément, « plus d’une boîte testée sur deux dépasse la teneur maximale en mercure la plus restrictive définie pour les produits de la mer (0,3 mg/kg) », et « plus d’une boîte sur dix dépasse la teneur définie pour le thon frais ».

La plus contaminée est celle d’une marque française, « Petit navire », qui affiche « une quantité record de 3,9 mg /kg » selon le rapport de l’association. Un scandale sanitaire d’autant plus affligeant que l’ONG souligne que « le thon est le poisson le plus vendu en Europe. En France, on en consomme en moyenne près de 5 kg par personne par an ». Le thon serait pollué par ce métal lourd par le biais de sa dispersion dans les océans. Une fois dans l’eau, le mercure se métamorphose en méthylmercure, ce qui selon le rapport est « sa forme la plus toxique ».

Néanmoins, ces révélations n’ont rien de nouveau. Déjà en 2013, la Commission européenne avait commandé à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), un rapport sur l’évaluation des risques liés à la présence de plusieurs métaux, dont le mercure, dans les denrées alimentaires. En 2015, l’EFSA a publié un avis qui désigne le thon, comme poisson qui « présente une teneur élevée en mercure ».

Pour rappel, le mercure est un métal lourd produit naturellement par les éruptions volcaniques et lors de feux de forêts, mais également par la combustion de matériaux comme le charbon par exemple. Considéré comme un perturbateur endocrinien, une contamination au mercure peut aussi provoquer des troubles de la mémoire, peut affecter le champ visuel ou les reins, et provoquer certains cancers, notamment des leucémies.

Les normes applicables

Les règles relatives aux quantités maximales autorisées de certains contaminants dans aliments sont fixées au niveau européen.

Initialement, elles figuraient dans un règlement adopté le 15 février 1993. Ce texte reprenait les normes définies par la commission du « Codex Alimentarius », un organe crée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour définir les normes en matière d’alimentation. A l’époque, les quantités de mercure autorisées pour le thon étaient fixées à 1 mg/kg. Pour les autres poissons, la limite était de 0,5 mg/kg. Repris dans un nouveau règlement en 2006, ces chiffres sont modifiés en 2022 par le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (SCoPAFF). Un nouveau plafond de 0,3 mg/kg, dédié aux espèces faiblement contaminées, est ajouté. Malgré cette révision, le thon figure depuis 1993 dans les poissons concernés par la quantité maximale de mercure de 1 mg/kg.

A l’heure actuelle, les normes applicables en la matière sont fixées dans un règlement adopté le 25 avril 2023. Le texte précise que les taux qui y sont définis « s’appliquent au poids à l’état frais ». Or, l’ONG Bloom constate dans son rapport que « si un produit a été concentré, comme c’est le cas pour la mise en conserve lors de laquelle le thon est déshydraté, c’est la teneur en mercure du thon frais initial qui compte pour déterminer si une conserve dépasse les teneurs maximales autorisées ou non ». Or, selon l’association, « Entre le thon frais et le thon en boîte, la concentration en mercure peut théoriquement passer de 1 mg/kg à 2,7 mg/kg ».

Comment limiter cette contamination ?

Dans son rapport, Bloom formule plusieurs propositions, dont l’engagement des entreprises de distribution « à ne commercialiser que le thon ne dépassant pas la norme en mercure la plus protectrice (0,3 mg/kg), afin de réduire l’exposition des consommateurs et des consommatrices à cette contamination » et pour « préserver la santé des publics les plus sensibles, de bannir des cantines scolaires, des crèches, des maisons de retraite, des maternités et des hôpitaux tous les produits contenant du thon ». Selon l’association, cette mesure doit être appliquée immédiatement, en attendant un changement législatif sur la question, avec une modification du règlement du 25 avril 2023 pour appliquer la limite de 0,3 mg/kg à l’ensemble des produits de la mer concernés par la contamination au mercure.

Par ailleurs, le rapport préconise de supprimer la dose hebdomadaire tolérable (DHT). En effet, l’autorité européenne de sécurité alimentaire a établi que le corps humain pouvait tolérer 1,3 mg/kg de mercure par semaine. Pour l’ONG, la DHT n’a pas lieu d’être, « étant donné que l’ingestion régulière de méthylmercure, même à faibles doses, peut avoir des effets dévastateurs sur la santé à long terme ».